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HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
que la devise et les armes du dernier duc de Bourgogne. Sur ceux-ci du moins le doute n'est pas possible, et leur présence au musée de Berne fournit un argument assez fort en faveur de la tradition généralement admise.
Ce serait également du butin fait après le dernier désastre et la mort du Téméraire que proviendraient les sept tapisseries conser­vées clans le musée archéologique de Nancy. Elles forment deux séries bien distinctes : la première comptait autrefois quatre pièces et n'en a plus que deux aujourd'hui; elle retrace l'Histoire d'As-suérus et d'Esther. Les cinq autres panneaux appartiennent à une Moralité sur la Condampnacion de Souper et de Banquet.
Les sujets de ces cinq pièces, de largeur fort inégale, sur trois mètres soixante-quinze centimètres de haut, se trouvent décrits dans une relation adressée au duc Philippe le Bon par un de ses servi­teurs, envoyé en mission à Vienne vers 1450. Cet officier, connais­sant le goût de son maitre pour les riches tentures, lui indique trois suites, composées chacune de six morceaux, mises en vente dans laville où il se trouve. L'une d'elles représentait l'Histoire de Vénus et de l'Honneur, une autre l'Histoire de débat entre jeunesse et vieillesse à la cour de Vénus. A ces sujets le duc aurait préféré la Condamnation de Souper et de Banquet, et l'aurait acquise des marchands viennois. Telle est la tradition recueillie par Achille Jubinal. Il convient de faire observer que certains détails du cos­tume et du mobilier indiqueraient une date postérieure à la mort du Téméraire, et se trouvent ainsi en opposition formelle avec la tradition.
Ainsi la Condamnation de Souper et de Banquet ne serait pas un des trophées de la bataille livrée sous les murs de Nancy, et n'aurait même jamais fait partie du mobilier des ducs de Bourgogne. Ceci s'accorderait d'ailleurs assez bien avec le silence absolu des inventaires bourguignons sur ce remarquable échan­tillon de l'art du xv0 siècle. L'origine de la tapisserie de Nancy n'est pas moins obscure que son histoire. Du moment où elle est d'une date postérieure à la mort du dernier duc de Bourgogne, il devient impossible de l'attribuer aux métiers d'Arras, complète­ment ruinés par Louis XI après la prise de cette ville. . On voit, par cet exemple, avec quelles précautions il convient d'accueillir les anciennes traditions, les plus plausibles en appa­rence, sur l'origine des ouvrages de haute lice.